Ma réaction à la tribune du Monde concernant le déclassement médical français
En matière de mortalité infantile la plus faible, la France a été rétrogradée au classement des pays européens, passant en 20 ans de la 2éme place à la 25ème aujourd'hui.
Voilà un signe fort de la crise profonde dans laquelle plonge en fait aujourd’hui toute la médecine française.
Ce sont les présidents de plusieurs sociétés savantes médicales qui tirent le signal d’alarme en publiant une tribune dans Le Monde au sujet des maternités : sans réforme, le système de soin périnatal va « au naufrage ».
À cela j’ajoute que, à mon avis, ce ne sont pas seulement les maternités qui vont au naufrage mais bien l’ensemble du système de santé français.
Pour reprendre l’expression de mes confrères « aujourd'hui, tous les indicateurs sont au rouge ».
La France n’a plus la meilleure médecine du monde.
Cette 25ème place reflète bien notre position actuelle toutes spécialités confondues.
Non, la France n’a plus la meilleure médecine du monde comme je l’entends encore trop souvent dire.
Cela ne correspond plus à ce que nous médecins constatons dans la réalité quotidienne.
Pénurie de médecins généralistes, pénurie de spécialistes : je n’ai jamais vu autant de cancers cutanés non dépistés parce que les patients ne trouvent plus de rendez-vous chez un dermatologue.
Or ce retard au diagnostic retarde la prise en charge en chirurgie dermatologique, avec des conséquences qui peuvent être lourdes : du fait de la taille des tumeurs au moment de l’intervention, trop tardive, la chirurgie laisse des séquelles esthétiques irréparables.
J’ai déjà alerté sur cette tendance dont je constate l’aggravation.
Je le redis donc : en cas de doute, allez consulter votre médecin généraliste si aucun rendez-vous avec un dermatologue n’est disponible à court terme.
Il n’y a plus assez de médecins en France.
Oui, la France manque de médecins et ceci s’explique, à mon avis, de plusieurs façons.
Un état qui n’a pas les moyens de former des médecins en nombre suffisant ! 10 à 12 années d’études coûtent cher. Les études de médecine sont gratuites en France, ce qui est une quasi-exception mondiale, et les moyens et capacités de formation contrecarrent la suppression récente du numerus clausus.
Une médecine libérale à l’agonie, ce qui s’explique par :
une consultation à 25 €, la moins chère d’Europe ;
une surcharge de travail administratif ;
la dévalorisation des actes de médecine, favorisée par le tiers payant à tout-va qui a totalement fait perdre à la population la notion de coût de la médecine.
Un hôpital débordé, notamment au niveau des Urgences qui sont transformées en service d’accueil et que trop de gens sollicitent abusivement. On y va même pour prolonger un arrêt de travail…
Une gestion comptable de la médecine et une sur-administration évidente et inutile : il suffit de comparer la proportion des personnels non médicaux en France avec celle des systèmes hospitaliers de nos voisins.
—o—
Le constat est navrant, la situation de la médecine française se dégrade, la crise est indubitable et je crains fort que notre système de santé soit moribond.
Quels politiques auront-ils le courage de le réformer, de le refonder ?
En tous cas, personnellement, je suis solidaire de tous mes confrères – quel que soit leur domaine de pratique médicale, spécialistes et généralistes – qui ont à cœur de défendre une médecine qui doit retrouver son rang, le meilleur.